Conférence fin de vie et soins palliatifs – Mai juin 2018 – Saint-Etienne – Bonson

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Point de vue médical

Dr Anne Richard

Ancien Chef de Service de Soins Palliatifs CHU Saint-Etienne

Ancienne Présidente de la Société Française d’Accompagnement et de Soins Palliatifs

Présidente JALMALV SAINT-ETIENNE

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Les soins des personnes en fin de vie ont considérablement évolué depuis une cinquantaine d’années. Deux éléments ont influencé cette évolution :

Les progrès de la médecine : la réanimation et de nouveaux traitements permettent de sauver de nombreuses vies mais parfois au prix de séquelles graves parmi lesquelles de véritables situations d’acharnement thérapeutique.

Le changement de mode de vie: éclatement de la famille moderne, culte de la jeunesse, de la performance, de la rentabilité….Vieillards et grands malades sont placés dans des institutions qui n’assurent pas toujours une prise en charge digne de ce nom. La mort est cachée, devient tabou.

Cette situation déclenche deux types de réactions en 1974 :

40 universitaires, par un Manifeste publié dans le Figaro, « se déclarent pour des raisons éthiques, favorables à l’euthanasie ». Quelques années plus tard, en 1980, se crée l’ADMD, Association pour le Droit à Mourir dans la Dignité, revendiquant le droit à l’euthanasie.

Des professionnels de santé découvrent en Angleterre et au Canada un autre concept de soins appelé « soins palliatifs », mettant en priorité le Soulagement et l’Accompagnement des personnes en fin de vie tout en refusant l’acharnement thérapeutique et l’euthanasie. Des associations de bénévoles se constituent en faveur des soins palliatifs et de l’accompagnement : JALMALV Jusqu’à La Mort Accompagner La Vie (1983), ASP Association pour les Soins Palliatifs (1984).

1990 Création de la SFAP, Société Française d’Accompagnement et de soins Palliatifs, rassemblant professionnels et bénévoles pour promouvoir le mouvement des soins palliatifs, « Soigner et Accompagner Ensemble ».

Devant les difficultés à développer les soins palliatifs et suite à un long travail de rencontre avec les professionnels et les décideurs politiques, le Sénateur Lucien Neuwirth publie un rapport et propose une loi qui est votée à l’unanimité le 9 juin 1999.

Loi 99 – 477 du 9 juin 1999, visant à garantir le droit d’accès aux soins palliatifs

Article 1 A : Toute personne malade dont l’état de santé le requiert a le droit d’accéder à des soins palliatifs et à un accompagnement.

Article 1 B : Les soins palliatifs sont des soins actifs et continus pratiqués par une équipe interdisciplinaire en institution ou à domicile. Ils visent à soulager la douleur, à apaiser la souffrance psychique, à sauvegarder la dignité de la personne malade et à soutenir son entourage.

Article 1 C : La personne malade peut s’opposer à toute investigation ou thérapeutique.

Les articles suivants incluent les soins palliatifs dans l’organisation des soins, officialisent l’intervention de bénévoles d’accompagnement appartenant à des associations chargées de les sélectionner et les former. Enfin cette loi institue le congé d’accompagnement auprès d’une personne en fin de vie.

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Quelques années plus tard, en 2003, éclate « l’affaire » Vincent HUMBERT : jeune homme de 19 ans, qui suite à un accident de voiture, souffre d’un poly-traumatisme avec coma grave. Au bout de 9 mois de réanimation, il présente des signes de réveil et réclame de mourir.

Sa mère injecte dans la sonde gastrique une substance létale, l’état du jeune Vincent s’aggrave, le médecin réanimateur provoque son décès par injection de produit létal.

Emotion nationale. Le député Jean Léonetti est chargé de conduire une « Mission parlementaire sur l’accompagnement de la fin de vie ».

Après audition de très nombreux acteurs, professionnels de santé, philosophes, religieux, politiques, associations laïques, familles de malades…., une nouvelle loi est votée par tous les bords politiques.

Loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie, dite « Loi Leonetti »

15 articles : 10 sur les modalités pour les décisions en fin de vie, 5 pour le développement des soins palliatifs :

Art 1 : Les actes médicaux ne doivent pas être poursuivis par une « obstination déraisonnable* » définie comme des « actes inutiles, disproportionnés ou n’ayant d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie ». Le « médecin sauvegarde la dignité et assure la qualité de vie du malade » : soulagement de la douleur, accompagnement…

Art 2 : Obligation pour le médecin d’informer le patient (ou son représentant) s’il ne peut soulager la souffrance sans risque d’abréger la vie du malade. (c’est la notion du double effet)

Art 3 à 10 : Droit pour le malade à l’abstention ou l’arrêt de tout traitement*

Soit le malade est capable de s’exprimer : respect de sa volonté

Soit le malade est « hors d’état d’exprimer sa volonté »: sont alors consultées les directives anticipées*, la personne de confiance*; il s’ensuit une procédure collégiale éclairant la décision du médecin.

Art 11 à 15 : Ancrage des soins palliatifs dans les politiques de santé publique.

Ainsi, cette loi invite le médecin à ne pas poursuivre des traitements relevant d’obstination déraisonnable, elle l’oblige à informer le patient des risques des traitements. Le patient acquiert le droit de refuser tout traitement et peut prévoir d’exprimer sa volonté par l’intermédiaire de directives anticipées ou d’une personne de confiance désignée au cas où il soit hors d’état de le faire.

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Cette loi est restée mal connue. Des cas dramatiques de malades, rares mais très médiatisés, ont alerté l’opinion. Hervé Pierra, Chantal Sébire … Des propositions de lois pour dépénaliser l’euthanasie ont été déposées au Sénat, à l’Assemblée Nationale, toutes rejetées..

Lors de la campagne présidentielle 2012, le candidat Fr. Hollande s’engage dans sa proposition 21 :

« que toute personne majeure en phase avancée ou terminale d’une maladie incurable, provoquant une souffrance physique ou psychique insupportable, et qui ne peut être apaisée, puisse demander, dans des conditions précises et strictes, à bénéficier d’une assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité. »

Elu, il nomme le Pr Didier Sicard  pour constituer une commission de réflexion sur la fin de vie. Après enquêtes et concertations, celle-ci rend son rapport le 18 décembre 2012.

Les constats sont sans appel :

1- Inquiétude des français par rapport à leur fin de vie et perte de confiance envers les médecins : peur de souffrir, de ne pas être écouté, d’être abandonné ou d’être victime d’acharnement thérapeutique.

2- Méconnaissance importante de la loi de 2005 : 48% des français ignorent qu’elle autorise l’arrêt des traitements qui maintiennent en vie, 47% ignorent qu’elle interdit l’acharnement thérapeutique.

3- Attitude des médecins vis-à-vis de la fin de vie : culture du tout curatif, mauvaise prise en charge de la douleur, surdité face à la détresse psychique et aux souhaits des patients, des SP proposés trop tardivement.

4- Un désir de modification législative pour maitriser la fin de vie :

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Un sondage IFOP Pèlerin révèle que 86% des sondés sont favorables à la légalisation de l’euthanasie.

La commission émet 3 recommandations :

1 – Amélioration de la loi de 2005

2 – La commission ne recommande pas de dépénaliser l’euthanasie : « La pratique euthanasique développe sa propre dynamique résistant à tout contrôle efficace et tend nécessairement à s’élargir »

3 – Réflexion sur l’assistance au suicide (différent de l’euthanasie). Elle peut répondre à la volonté de certaines personnes mais la commission recommande de ne pas légiférer en urgence.

D’autres rapports d’instances nationales sont publiés en 2013 :

– L’Académie Nationale de Médecine (21 janv 2013) et le Conseil National de l’Ordre des Médecins (14 fev 2013) : Ne pas donner la mort – Interdire l’obstination déraisonnable, Soulagement et accompagnement – Sédation possible.

– Le Comité Consultatif National d’Ethique (27Juin 2013) donne un avis sans qu’il y ait unanimité :

– Légalisation de l’euthanasie non souhaitable pour 33/40, souhaitable pour 7/40

– Assistance au suicide : même divergence

– Une Conférence de citoyens sur la fin de vie, le 14 déc 2013 : cette conférence propose l’exception d’euthanasie avec commission ad hoc mais les définitions sont différentes ou confuses selon les personnes, relativisant la portée de cet avis.

Deux députés Jean Léonetti (PR) et Alain Claeys (PS) sont chargés de présenter une loi améliorant la loi de 2005, en tenant compte des rapports précédents. Cette loi est votée le 2 février 2016.

Loi du 2 février 2016 « créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie », dite loi Claeys Léonetti

Cette loi comporte 14 articles s’intégrant, comme les deux précédentes, dans le code de santé public.

Si la plupart des articles sont une réécriture de la loi 2005, transformant une incitation pour le médecin en un droit pour le malade, les articles 3 et 8 constituent de nouveaux droits pour la personne en fin de vie :

Droit pour le malade à une fin de vie digne

Droit à une fin de vie digne (art 1)
Les traitements ne doivent pas être mis en œuvre ou poursuivis s’ils résultent d’une obstination déraisonnable (inutiles, disproportionnés ou n’ayant d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie) (art 2)
Droit de la personne à recevoir des traitements visant à soulager sa souffrance, au risque d’abréger la vie. (Double effet) (art 4)
Renforcement du droit pour le patient dûment informé de refuser tout traitement (art 5)
Renforcement de la personne de confiance dont le témoignage prévaut sur tout autre témoignage. (art 9)

Droit à être endormi (Article 3) :

A la demande du patient, droit à une « sédation* profonde et continue provoquant une altération de la conscience maintenue jusqu’au décès ». Celle-ci est mise en œuvre dans des conditions très précises.

Ce que Jean Léonetti appelle « le droit de dormir pour ne pas souffrir avant de mourir. »

Les conditions d’application de ce droit sont :

* « lorsque le patient, atteint d’une affection grave, incurable, pronostic vital à court terme, présente une souffrance réfractaire aux traitements ».

* « lorsque la décision du patient d’arrêter un traitement engage le pronostic vital à court terme et est susceptible d’entrainer une souffrance insupportable ».

* Ce droit s’exerce aussi lorsque le malade ne peut pas exprimer sa volonté et, au titre du refus de l’obstination déraisonnable, une décision d’arrêt de traitement maintenant artificiellement en vie peut être prise. La personne de confiance ou les proches sont informés, le médecin met en place une sédation profonde et continue jusqu’au décès afin d’éviter toute souffrance éventuelle.

Droits à faire respecter sa volonté (Article 8)

Les directives anticipées *(DA) sont désormais contraignantes et s’imposent au médecin sauf dans deux cas :

– « en cas d’urgence vitale, pendant le temps nécessaire à une évaluation complète de la situation médicale ».

– « lorsqu’elles apparaissent manifestement inappropriées ou non conformes à la situation médicale. Dans ce cas, la décision de non application des DA est prise à l’issue d’une procédure collégiale.»

En dehors de ces deux cas, le médecin a l’obligation d’appliquer la volonté de la personne en fin de vie, en restant dans un cadre légal. Si leur validité était de 3 ans dans la loi de 2005, cette loi les rend valides indéfiniment mais peuvent toujours être changées à tout moment.

Les autres articles sont des réajustements juridiques.

Les décrets d’application de cette loi sont publiés en Aout 2016. Les recommandations professionnelles pour la sédation profonde et continue sont publiées en février 2018.

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2018, DEUX ANS APRES CETTE NOUVELLE LOI, OU EN SOMMES NOUS ?

Un sondage Ifop pour La Croix et le Forum européen de bioéthique est publié en janvier 2018.

Sur 1010 personnes interrogées, 89% se déclarent favorable à l’euthanasie et/ou le suicide assisté.

A la question « Pensez-vous qu’il faille aller plus loin que la législation actuelle sur la fin de vie, en légalisant le suicide assisté (c.a.d la possibilité pour un tiers de délivrer un produit létal permettant à celui qui le souhaite de mettre fin à ses jours) et/ou l’euthanasie (c.a.d la possibilité pour un patient souffrant d’une maladie incurable de demander à un médecin de mettre fin à ses jours ? »,

Les résultats sont les suivants :

Ensemble des Français Catholiques pratiquants
Oui Légaliser l’euthanasie 18 % 16 %
Oui Légaliser SA 47 % 34 %
Oui Légaliser les deux 24 % 22 %
Total OUI 89 % 72 %
Non, il ne faut rien changer 11 % 28 %

 

Remarque à propos de ce sondage :

La définition de l’euthanasie est fausse dans la question posée : l’euthanasie n’est pas « la possibilité de demander à un médecin de mettre fin à ses jours». Elle est « le geste intentionnel d’un tiers de provoquer la mort d’une personne pour mettre fin à des souffrances qu’elle juge insupportables »

Autrement dit, toute personne peut demander à mourir sans que cette demande soit forcément satisfaite. En pratique, elle disparaît bien souvent quand la personne est soulagée. Cette remarque remet en question les pourcentages annoncés.

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Quelques jours après les résultats de ce sondage, le 28 février, 156 députés publient une tribune dans Le Monde : « Il convient de donner aux malades en fin de vie la libre disposition de leur corps ». Le 1er mars, deux propositions de lois pour dépénaliser l’euthanasie sont déposées par des parlementaires, membres de l’ADMD, qui demandent à ce qu’elles soient discutées dans le cadre de la révision des lois de bioéthique.

Les réactions et commentaires sont nombreux. Nous pouvons citer entre autres :

– De nombreuses réactions de professionnels (médecins, Sociétés savantes médicales), politiques (dont A Claeys et J Léonetti), religieux, philosophes… sont publiées. Tous pensent, au delà de leurs opinions propres, que la loi est encore très récente et qu’il faut l’évaluer avant de la changer.

– Le 11 avril, le Conseil Economique, Social et Environnemental qui s’est auto-saisi du sujet, publie un rapport. Il propose une « Sédation explicitement létale » suscitant, là encore, de nombreuses réactions : SFAP, P. P Verspieren, Pr D Sicard, M de Hennezel, J Léonetti… On peut effectivement s’interroger sur la compétence de cette instance qui associe les termes de “sédation” et “létale”*.

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Quelle est l’expérience des services prodiguant des soins palliatifs?

La SFAP s’est fait l’écho des professionnels et des bénévoles de soins palliatifs. Tous témoignent de l’ambivalence des personnes en fin de vie. Beaucoup d’entre elles expriment, à un moment de désespérance, de douleur ou de solitude, le souhait de mourir. Ceci est normal et compréhensif. Dans l’immense majorité des cas, le désir de vivre revient dès que la personne est considérée, soulagée et entourée. Il ne s’agit pas ici d’une demande d’euthanasie. Les demandes persistantes sont très rares.

Dans notre expérience en Unité de Soins Palliatifs, les personnes exprimant une demande persistante d’euthanasie sont adressées par leur médecin, bien souvent désarmé. Cette demande d’euthanasie est parfaitement entendue. Nous convenons avec le malade que nous allons dans un premier temps lui assurer le meilleur soulagement possible. Parallèlement, la prise en charge par toute l’équipe permet une écoute attentive, un décryptage de cette demande dont l’origine est souvent très loin de ce qui est mis en avant ou que l’on imagine. La raison la plus fréquente est la douleur mal soulagée. Certains malades préfèrent l’euthanasie plutôt que mourir étouffé. Lorsque nous leur expliquons que nous avons les traitements pour éviter cela, la demande disparaît.

Nous nous souvenons de ce malade très entouré, dont les symptômes douloureux étaient contrôlés. Il persistait dans sa demande d’euthanasie. Ce n’est qu’au bout de 10 jours, que nous avons compris la raison : il préférait l’euthanasie plutôt que rentrer chez lui à domicile, malgré un merveilleux entourage. Mais il avait très peur en cas de complication. La demande a disparu lorsque nous lui avons assuré de trouver un établissement de soins qui le recevrait.

Ainsi, un traitement antalgique efficace, une explication sur les traitements possibles, une réassurance de non abandon et l’accompagnement de la personne, ont bien souvent suffi. Beaucoup de ces malades décèdent de leur mort naturelle, sans qu’ils réitèrent leur demande.

On ne peut pas non plus passer sous silence le contraste entre la sérénité d’un entourage, lors du décès d’un proche ayant été soulagé et accompagné et la sidération d’une famille ayant vécu le suicide ou la mort violente d’un proche.

Il est vrai que le « mal mourir » persiste en France. Il est noté dans tous les rapports.

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Les études montrent que seulement 50% des personnes relevant de Soins Palliatifs en bénéficient !!!

— L’offre de soins palliatifs est encore très insuffisante et inégalement répartie :

On compte en France actuellement 157 Unités de Soins Palliatifs (USP), représentant 1500 lits,

426 Equipes Mobiles de Soins Palliatifs (EMSP) et 5057 lits identifiés de soins palliatifs (LISP) répartis dans des services hospitaliers en plus des USP.

Parallèlement, nous comptons 107 réseaux de soins palliatifs, 122 structures d’hospitalisations à domicile, 19 équipes régionales pédiatriques et 352 associations de bénévoles accompagnants.

Ces chiffres sont à mettre en perspective d’une population de 67 millions d’habitants répartis sur 100 départements et dont 660 000 meurent chaque année!

— Les EHPAD (Etablissement d’Hébergement pour Personne Agée Dépendante) ne disposent pas de moyens suffisants pour assurer des soins palliatifs de qualité. Le CCNE vient de publier un avis alarmant à ce sujet.

— Les médecins et soignants non spécialisés connaissent mal ou pas du tout la loi et les traitements appliqués en fin de vie. Leur formation est totalement insuffisante. Il n’y a que 5 professeurs de Médecine Palliative pour toute la France !

Et pourtant…….

Les différentes dispositions légales et les progrès médicamenteux permettent à des équipes formées de soulager et accompagner de façon sereine jusqu’à leur décès l’immense majorité des personnes. L’obstination déraisonnable est proscrite, toute personne a droit à faire respecter ses volontés, toute personne a droit à être apaisée, y compris celui d’être endormie.

Dans le cas des personnes en toute fin de vie : les thérapeutiques antidouleur, l’arrêt des traitements inutiles ou maintenant artificiellement en vie, la sédation à la demande du malade, les directives anticipées et la personne de confiance en cas de trouble de conscience permettent à tous de mourir sereinement. En sachant bien que tous ces traitements ne supprimeront jamais la souffrance de la séparation. Celle-ci est cependant atténuée lorsque la personne est soulagée et entourée. La loi actuelle est suffisante pour autant qu’elle soit connue et appliquée. Une légalisation de l’euthanasie n’apporterait rien.

Des discours édulcorés tentent de présenter l’euthanasie ou le suicide assisté comme le « soin ultime des soins palliatifs ». Ceci est un leurre. Les soins palliatifs sont incompatibles avec l’euthanasie. Les soins palliatifs soulagent la souffrance, proposent des traitements de confort dans une éthique de solidarité tandis que l’euthanasie donne la mort, propose un produit létal dans une éthique d’autonomie individuelle.

Il persiste la question des personnes qui ne sont pas en toute fin de vie et qui réclament de mourir car ne supportant plus leur souffrance ou ne voulant pas vivre la fin de vie qu’on leur prédit. Ils réclament « la libre disposition de leur corps et de leur destin ». La loi de 2016 ne répond pas à ces situations qui sont rares mais réelles. Les propositions de loi présentées régulièrement pour légaliser l’euthanasie ne répondent pas non plus à ces situations. C’est la question de l’assistance au suicide qui est posée ici, en sachant que ce problème n’est pas médical mais sociétal. L’administration d’une dose létale ne requiert aucune compétence médicale. Le rôle des médecins et soignants est de soulager toute personne souffrante, quelle qu’en soit l’origine, en prodiguant des soins adaptés au pronostic du malade. La médecine ne peut pas à la fois réanimer et soigner certains malades qui tentent de se suicider et assurer une aide au suicide pour d’autres.

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EN CONCLUSION

La Médecine, qui ne peut plus guérir, a la mission de soulager et accompagner la personne qui aborde la fin de sa vie. Si l’on pouvait comprendre la revendication de l’euthanasie il y a 40 ans, alors que nous étions démunis en traitements, ce n’est plus le cas actuellement. Les traitements antalgiques ont progressé de façon spectaculaire, d’autres traitements ont été mis au point pour apporter un confort optimum. La société se mobilise avec des bénévoles qui accompagnent ces malades, particulièrement s’ils sont isolés.

Le cadre légal nous permet de soulager toutes les personnes pendant les derniers jours de leur vie sans pour autant provoquer leur mort. L’euthanasie n’est pas un progrès. Sa légalisation risque même de ne plus nous mobiliser pour comprendre et soulager nos malades. Elle risque de stopper tout progrès pour trouver encore de meilleurs traitements pour les personnes qui souffrent et demandent à mourir.

On peut comprendre la désespérance des français devant ce « mal mourir », désespérance qui les conduit, dans les sondages, à réclamer l’euthanasie. Nous avons vu que celle-ci n’est pas la bonne réponse. La médecine a mieux à proposer. Faut-il encore lui en donner les moyens.

N’oublions pas cependant, que même la mort la plus sereine, la plus apaisée et entourée, est toujours une épreuve. Certaines fins de vie sont particulièrement difficiles mais aucune loi ne pourra résoudre toutes les situations ni supprimer la souffrance de la séparation.

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Références:

www.legifrance.gouv.fr pour les lois

www.solidarites-sante.gouv.fr Rapport Sicard Décembre 2012

www.sfap.org pour toute information sur les soins palliatifs

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Rappel de quelques définitions

Les débats sur ce sujet sont souvent faussés par un amalgame des différents termes dont les définitions ne sont pas toujours clairement établies.

Il est donc important de les rappeler et de bien différentier les uns des autres.

Les soins palliatifs

Les soins palliatifs sont des soins actifs et continus pratiqués par une équipe interdisciplinaire en institution ou à domicile. Ils visent à soulager la douleur, à apaiser la souffrance psychique, à sauvegarder la dignité de la personne malade et à soutenir son entourage. (loi du 2 juin 1999)

L’euthanasie

« Geste intentionnel d’un tiers de provoquer la mort d’une personne pour mettre fin à des souffrances qu’elle juge insupportables »

Les lois dépénalisant l’euthanasie rajoutent « à la demande du malade ».

Les pays ayant dépénalisé l’euthanasie sont les Pays-Bas (2002), la Belgique (2002), le Luxembourg (2009), le Canada (2016) et l’Etat de Victoria en Australie (2017).

Certains parlent d’euthanasie « active » (cet adjectif est inutile puisqu’il s’agit d’un geste intentionnel) ou d’euthanasie « passive » (ce qui est un non sens étant donné la définition). Cette expression « d’euthanasie passive » est souvent utilisée à tord pour parler de l’arrêt des traitements maintenant artificiellement la vie, ce qui n’est pas la même chose et crée la confusion (cf plus loin).

Le suicide assisté

Acte par lequel une personne se donne la mort à l’aide de moyens fournis par un tiers. Ce moyen peut être un comprimé (Etats aux USA) ou une perfusion que la personne actionne elle-même (Suisse)

Les pays ayant légalisé le suicide assisté sont : La Suisse, le Canada (2016), Six Etats américains (Californie, Oregon, Etat de Washington, Vermont, Colorado, Montana).

Les directives anticipées

Les directives anticipées sont des instructions écrites que donne par avance une personne majeure consciente, pour le cas où elle serait dans l’incapacité d’exprimer sa volonté. Ces directives anticipées concernent les conditions de la poursuite, de la limitation, de l’arrêt ou du refus de traitement ou d’actes médicaux. Elles sont signées de la main de la personne ou réalisées devant 2 témoins, si la personne n’est pas en état de le faire elle-même.

Elles doivent être datées et sont valables sans limite de temps depuis la loi 2016.

Elles peuvent être changées à tout moment.

La personne de confiance

Toute personne peut désigner sa personne de confiance. Celle-ci exprime la volonté de la personne en fin de vie si celle-ci ne peut plus l’exprimer. Son témoignage prévaut sur tout autre témoignage. Cette désignation est faite par écrit et cosignée par la personne désignée. Elle est révisable et révocable à tout moment.

L’obstination déraisonnable 

Elle relève de la poursuite ou la mise en œuvre « d’actes inutiles, disproportionnés ou n’ayant d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie ».

L’arrêt ou la non initiation de traitements prolongeant artificiellement la vie.

Il s’agit de traitements utilisés couramment en médecine et qui permettent de suppléer une fonction vitale à une personne atteinte de défaillance d’un organe et de lui permettre ainsi de rester en vie. Ex Respiration artificielle, dialyse, Insuline, transfusions itératives, hydratation ou alimentation artificielle, ….

En situation de fin de vie, le maintien ou la mise en route de ces traitements peuvent relever d’obstination déraisonnable. C’est pourquoi le législateur prévoit la possibilité pour le médecin de les arrêter ou de ne pas les initier

– soit à la demande du malade, c’est maintenant son droit, cependant le médecin doit l’informer des conséquences de cet arrêt.

– soit, si le malade ne peut pas s’exprimer, après lecture des directives anticipées, consultation de la personne de confiance ou, à défaut de l’entourage.

A noter qu’il ne s’agit pas d’euthanasie. Le malade décède de sa maladie contre laquelle on ne se bat plus étant donné la situation de fin de vie du malade et sa volonté.

La sédation

Administration d’un médicament pour endormir un patient lorsque l’on ne parvient pas à le soulager de ses souffrances par d’autres modalités.

La sédation est plus ou moins profonde, le malade dort plus ou moins profondément.

Elle peut être transitoire (Ex pansement douloureux, difficulté respiratoire…) ou continue par perfusion (ex Souffrance insupportable). Une sédation continue peut être interrompue.

La sédation profonde et continue jusqu’au décès : la personne est endormie jusqu’à son décès. La mort n’est pas due à la sédation mais à l’évolution de la maladie. La sédation permet de mourir sereinement en cas de douleurs ou souffrances insupportables. La sédation ne provoque pas la mort.

La sédation n’est pas l’euthanasie. Le malade décède pendant la sédation puisque celle-ci est appliquée en toute fin de vie, mais la mort est due à la maladie et non à la sédation.

Expressions que l’on entend dans les média mais qui sont à proscrire:

« Sédation terminale »  raccourci dangereux de « sédation en phase terminale »

« Sédation profonde explicitement létale » non sens puisque qu’une sédation fait dormir mais ne provoque pas le décès du malade.